Manifestation anti-OTAN à Strasbourg le 4 avril 2009

Les premiers caennais arrivent dans la capitale alsacienne sur les coups de 10h ; ils arrivent dans le quartier du Neuhof non loin du camp autogéré. Au même moment, les habitants du camp sortent pour manifester en ville et rejoindre le point de départ de la grande manif. Ils sont très encadrés par les forces de l'ordre qui sont postées à quasiment chaque coin de rue, canalisant ainsi ce cortège d'environ 2 000 personnes. Ces manifestants arrivent par la route du Rhin qui permet d'accéder à la zone du port et du point de rendez vous. Hors, au croisement de cette route et de l'avenue Aristide Briand, ils se heurtent à deux compagnies de CRS. Ces dernières protègent ce point stratégique car, derrière eux, passe la route du petit Rhin où circulent les cortèges officiels. ET par manque de chance, les délégations officielles sont en retard d'environ 1h30 sur le planning. Du coup, les CRS sont obligés de « défendre » ce point d'accès plus longtemps que prévu. Les projectiles commencent à fuser vers les forces de l'ordre qui répliquent par des jets de gaz lacrymogènes. Il est alors 11h du matin. A quelques centaines de mètres à vol d'oiseau, un bus caennais arrive à se garer non loin du stade Vauban, au pied du grand Pont. Ce pont est aussi très protégé car c'est le dernier pont que les cortèges officiels franchissent pour entrer dans Strasbourg. Les militants présents peuvent apercevoir les délégations américaines et belges passer. Un escadron de gendarmes mobiles venu de Bayonne tient à distance les quelques manifestants présents. Vers 11h20, ils lâchent le dispositif, laissant ainsi accès au pont. Les caennais l'empruntent pour se rendre dans la zone du port et du jardin des deux rives, point de départ de la manifestation. Mais leur projet est vite avorté car, sur leur droite, ils peuvent entendre les détonations des lacrymogènes. Quelques nuages se forment dans le ciel strasbourgeois. Certains pensent à une attaque du commissariat qui se trouve dans la même zone. Mais en fait, il s'agit du cortège qui est coincé route du Rhin. Les militants ont l'agréable surprise d'arriver derrière la ligne de CRS ! Ces derniers sont très nerveux, ils se font harceler depuis près d'une heure par les manifestants. De nombreux cailloux et autres projectiles jonchent la chaussée. On dénombre aussi une quantité impressionnante de « douilles » de lacrymogènes. Les grenades commencent à faire défaut, des CRS s'affairent dans leurs véhicules pour trouver les dernières réserves. Les gradés demandent du renfort par radio. La tension est à son comble. Un simple badaud qui avait le tord de porter un kefieh est interpellé sans ménagement par des CRS. De l'autre côté de la barricade, les manifestants continuent de harceler les forces de l'ordre notamment grâce aux matériaux trouvés en contre bas de la chaussée dans les jardins ouvriers. On peut même apercevoir à deux reprises des cocktails Molotov.

Il est presque midi, ce qui reste de lacrymogènes est lancé en grande quantité sur les manifestants, permettant ainsi aux CRS de progresser de plusieurs mètres et de passer devant leurs véhicules munis de grilles. Cette manœuvre a pour but de retirer les véhicules et de laisser une double ligne de CRS, facilitant ainsi la retraite prévue. A la vue de cette opération, plusieurs manifestants redoublent leurs jets de projectiles mais il reste encore assez de grenades pour les tenir à distance. Les chefs ayant estimé que la distance était suffisante entre les manifestants et les forces de l'ordre, ils donnent l'ordre à leur troupe de se replier de part et d'autre de la route du Rhin et d'y former deux lignes respectives. Ce retrait des forces de l'ordre est accueilli par les vivas de la foule. Les premiers manifestants progressent sur la route et poursuivent les jets. La masse des manifestants approche aussi progressivement. Les échanges avec les CRS continuent. Parfois, cela tourne au ridicule : des CRS postés rue de Nantes lancent des lacrymogènes trop loin...et elles arrivent au pied de leurs collègues postés de l'autre côté de la route du Rhin, rue du Havre ! Mais peu à peu, les personnes en tête du cortège font signe aux autres manifestants d'avancer et de ne pas faire attention aux CRS sur les côtés. Cela permet aussi de faire la jonction entre les différents caennais présents.

Le cortège franchit enfin le pont sur le bassin Vauban à 12h30 pour se rendre dans la zone du port. Sur le passage, des abribus sont saccagés ainsi que les panneaux publicitaires. Une station service, fermée pour l'occasion, est aussi prise d'assaut ; sa boutique est pillée, essentiellement pour les bouteilles d'eau. Les manifestants arrivent enfin dans le quartier de la route du Rhin où se situe le jardin des deux rives. Sur une grande esplanade, une scène a été montée et elle accueille les concerts et prises de parole. Mais peu de manifestants bifurquent vers cet endroit, ils suivent le mouvement qui emprunte l'avenue du pont de l'Europe pour se diriger vers le pont qui porte le même nom et se trouver ainsi à la frontière allemande. Non loin du pont, se situe l'ancien poste des douanes, inutilisé depuis 11 ans. Ce symbole des frontières devient rapidement la cible des manifestants qui brisent systématiquement toutes les vitres du bâtiment. Puis, certains utilisent du mobilier urbain ou des bouts de bois qu'ils lancent dans le bâtiment. Des slogans tels que « fuck nato » ou « l'Etat a besoin de toi, tu n'as pas besoin de lui » sont inscrits sur les murs. Un début d'incendie se déclare à l'extrémité du bâtiment ; il est alors 13h. Tous les manifestants ne s'arrêtent pas au poste des douanes, ils essayent de continuer sur le pont de l'Europe mais ils 'arrêtent assez rapidement car le pont est bloqué côté allemand par un imposant dispositif policier : plusieurs rangées d'homme en tenue de maintien de l'ordre aidé par des canons à eau. Sur le Rhin, plusieurs bateaux des polices française et allemande patrouillent. Une petite barricade est érigée côté français avec du bois, des pneus et du matériel récupéré dans le poste des douanes. Le tout est embrassé sous les yeux de policiers allemands qui ne peuvent intervenir. Ces derniers lancent plusieurs fois des appels via une sono pour que les manifestants ne tentent pas de passer le pont. Cet appel est bien reçu car personne ne tentera de passer la frontière.

Le feux déclenché dans un coin du poste des douanes commence à se propager au reste du bâtiment. La fumée blanche se noircit à vue d'œil. Quelques manifestants tentent de mettre à sac un petit bâtiment annexe des douanes mais ils trouvent peu de renfort et décident d'abandonner. L'hélicoptère de la gendarmerie se rapproche de plus en plus et il semble tenter d'identifier les incendiaires. Il est près de 14h quand le poste des douanes s'embrase complétement, la chaleur devient insoutenable, la fumée noire s'élève dans le ciel bleu ; les flammes sont de plus en plus impressionnantes. Beaucoup de manifestants contemplent ce « spectacle ». Mais la peur saisit aussi certains d'entre eux. En effet, ce bâtiment date du début des années 50 et il semble contenir des produits toxiques tels que l'amiante. La combustion de ces produits fait réfléchir beaucoup de monde et c'est à ce moment qu'une bonne partie des spectateurs quittent les lieux, non sans avoir pris quelques photos souvenirs pour rejoindre le jardin des deux rives. Sur le chemin du retour, les manifestants peuvent apercevoir les tags sur les églises du quartier. Plus loin, on peut apercevoir une autre fumée noire : c'est le mobilier de l'hôtel Ibis qui est en train de brûler. Plusieurs personnes s'affairent devant cet hôtel où les vitres du rez de chaussée sont systématiquement brisées. Le bar fait aussi les frais du passage des manifestants. On sent d'ailleurs une certaine nervosité de la part de ceux qui participent à cette action : ils invectivent automatiquement les personnes qui prennent des photos, n'hésitant pas à les bousculer si besoin est. Non loin de là, plusieurs commerces, dont une pharmacie font aussi les frais du passage des manifestants. Les produits pharmaceutiques dont des capotes sont pillés et redistribués à l'extérieur. Un local attenant à la pharmacie abrite une succursale de l'office de tourisme faisant la promotion du TGV Est. Il est pillé puis incendié. Soudain, un mouvement de foule fait paniquer les manifestants. On entend « ils chargent ! ». Pourtant aucun policier n'est visible à l'horizon mais par réflexe, les manifestants se regroupent. Puis, par la rue Coulaux qui fait l'angle de l'hôtel Ibis, on voit arriver les premières grenades lacrymogènes. Une ligne de policiers fait vite son apparition et se déploie sur la petite place centrale du quartier. Les manifestants reculent sous les coups des grenades assourdissantes et se regroupent au point de départ de la manifestation. Les organisateurs, vu l'ambiance en dehors de l'esplanade, appellent à plusieurs reprises au départ de la manifestation « officielle ». Celle-ci démarre à 14h45 avec en tête le mouvement de la paix et certaines de ses militants déguisés en missile. La manifestation prend le chemin inverse de l'arrivée du cortège un peu plus tôt dans la matinée. Dès la sortie de l'esplanade, les manifestants se retrouvent nez à nez avec une compagnie de CRS qui se rendait sûrement vers le lieu de l'incendie de l'hôtel Ibis. On trouve très peu d'animosité de la part des manifestants envers ces CRS mais on sent que de l'autre côté, ça doit pas mal gamberger. Le cortège laisse passer les camions de pompier français qui vont éteindre les différents incendies. Celui de l'hôtel Ibis s'est développé de manière spectaculaire puisqu'une épaisse fumée noire sort des étages. Une ligne de gendarmes mobiles protège l'intervention des pompiers. La manifestation remonte la route du Rhin et bifurque sur sa droite au niveau du bassin Vauban ; ce n'était pas le parcours qui était prévu au départ. Les manifestants s'engagent dans la rue du petit Rhin. Au bout de celle-ci, sur la gauche, se trouve le grand Pont, là même où le bus des caennais s'était trouvé bloqué le matin même. Ce pont est défendu de façon quasi militaire par les forces de l'ordre. Des grilles barrent sa largeur, des canons à eau sont en batterie juste derrière et on peut compter plus d'une cinquantaine de véhicules de police et gendarmerie derrière ! Ce déploiement impressionnant attire très rapidement des manifestants qui secouent, dans un premier temps les grilles puis lancent quelques projectiles. Les forces de l'ordre restent stoïques pendant plusieurs minutes puis commencent à répliquer par des gaz lacrymogènes. Les canons à eau sont aussi mis en action. De l'autre côté du bassin Vauban, les habitants du quartier crient « solidarité, solidarité » lorsque les forces de l'ordre lancent des lacrymogènes.

La tête de la manif continue son chemin et prend la rue du port du Rhin en pleine zone industrielle du port. On peut se demander pourquoi ce parcours a été choisi à la dernière minute puisqu'il menait nul part. Les premiers manifestants passent sans souci dans cette zone. Les quelques habitants des lieux ravitaillent gentillement en eau du robinet les manifestants. Au bout de la rue, se trouve en hauteur une voie ferrée ; une fois passé dessous, on se retrouve rue Coulaux qui donne sur l'hôtel Ibis. Etant donné que l'incendie n'est pas encore totalement maitrisé, les CRS sont positionnés quelques mètres après le pont ferroviaire. La voiture sono de tête s'arrête et invite les manifestants à ne pas s'aventurer vers les CRS. Les organisateurs sont en contact quasi permanent avec les autorités préfectorales pour savoir où il y a possibilité de passer. La sono annonce à plusieurs reprises que la rue sera libre d'accès dès que les pompiers auront terminé d'éteindre l'incendie. Mais l'envie est trop forte côté manifestant pour passer sous le pont et aller près des CRS. La sono demande alors aux militants du mouvement de la paix, et aux autres, de former une chaîne de part et d'autre du camion sono afin d'empêcher les manifestants de passer. Cette initiative est diversement appréciée, des engueulades ont lieux ; des coups sont même échangés entre manifestants tellement la tension est grande. A l'opposé de la tête de manif, les derniers manifestants arrivent, ils se pressent contre les premiers arrivés car ils sont talonnés par les policiers qui envoient régulièrement des grenades lacrymogènes. La manifestation se retrouve alors dans une souricière : les forces de l'ordre sont de part et d'autre du cortège et il n'y a aucune solution pour s'échapper étant le lieu, une zone industrielle portuaire. Du coup, quelques manifestants bravent l'interdiction de s'approcher des CRS derrière la voie ferrée. Ils montent sur la voie et tentent de contourner les CRS. Ces derniers font mouvement et empêchent les manifestants de descendre du talus. C'est alors que la situation dégénère. Les cailloux du ballast de la voie ferrée volent vers les forces de l'ordre qui répliquent immédiatement par des lacrymogènes. Ils prennent position sur la voie ferrée et continuent d'arroser copieusement les manifestants. Les manifestants se regroupent autour du camion sono qui indique que la préfecture autorise le cortège à prendre la petite rue de la coopérative qui contourne la zone portuaire. Mais, à peine cette annonce faite, les CRS lancent des grenades lacrymogènes et assourdissantes dans la foule qui écoutait les instructions des organisateurs. Cela créé un mouvement de panique, les manifestants tentent de refluer mais ils sont ralentis par une barricade confectionnée avec des palettes de bois sorties d'une usine adjacente. On compte déjà plusieurs blessés notamment à cause des jets de grenades dans la foule. Mais les manifestants qui refluent se retrouvent nez à nez avec les policiers qui fermaient la queue de la manif. Ces derniers sont très agressifs et perdent rapidement leur sang-froid. Sous prétexte de procéder à une arrestation, ils bousculent violemment les manifestants et n'hésitent pas à les pointer de leur flashball alors qu'ils sont en deçà de la distance réglementaire. Ils utilisent aussi des grenades lacrymogènes qui font paniquer beaucoup de militants pacifistes. Coincés entre deux lignes de policiers, les manifestants tentent de sortir de la souricière en levant les bras à la manière des soldats qui se rendent. Cela n'empêche pas certaines policiers de faire du zèle et d'insulter ces manifestants ou de les menacer avec leur flashball. Beaucoup de manifestants sentent que la catastrophe a été évité de peu. Même quelques black-bloc quittent leur uniforme noir pour une tenue plus habituelle afin d'éviter les interpellations. Les manifestants remontent la rue du port du Rhin puis la route du petit Rhin. La manif n'a pas vraiment eu lieu. Des incidents continuent d'opposer des manifestants aux forces de l'ordre mais la plupart ne veulent qu'une chose : rentrer chez eux.

Le camion sono des organisateurs s'est posté au croisement de la route du Rhin et de la rue du petit Rhin. Il indique aux manifestants les moyens pour se rendre soit au village autogéré, soit au jardin des deux rives afin de regagner les cars. Les visages des manifestants sont fermés, on resent la fatigue dans leurs yeux. Un clown fait un petit spectacle devant un barrage de policiers non loin des premiers affrontements de la matinée. D'autres manifestants prennent une soupe bien méritée. Le gros de troupes emprunte la rue du Havre pour rejoindre le centre de Strasbourg. Il est encore, à 17h30, surprotégé par les forces de l'ordre. Les ponts sur les bras du Rhin sont tous fermés et il faut montrer patte blanche pour pouvoir passer. Les sacs des manifestants sont systématiquement fouillés. Finalement, vers 19h15, la plupart des caennais arrive au point de rendez vous. Le bus est là. Il faudra attendre 1h30 avant de partir, le temps d'aller chercher les derniers bloqués à un pont par des fonctionnaires de police un peu trop zélé.

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